LE CARAVAGE ET BARTABAS

Si je ne connaissais pas Bartabas…

J’aurai sans doute trouvé ce cheval brillant de robe, fort et puissant. Colosse vibrant, mais nié dans sa nature profonde, derrière ses barreaux limitants. Limitant ses pas, ses envies de contact, limitant sa vie. A un box, beaucoup de box, une écurie, un manège, et un peu, juste un peu de ciel. Objet sculpté vivant, placé sous haute protection.

Arbeit. Travail, rigueur, discipline, pièces maitresses du résultat presque parfait. Souffrance aussi. Psychiques, physiques.

Pour au bout de ce quotidien carcéral, monacal, diront certains, contenté le spectateur, ébahi, un soir de fête par tant de beauté. Et contenter le maitre. Peut-être…

Cet homme sombre, solitaire, comprimé entre dureté et tendresse, s’échappant parfois, rendant supportable le manque de joie.

Une heure de film oppressante, où un ballet silencieux contraste avec le bruit de l’acier. Mors de bride en bouche, fers aux pieds, réduisant cet être de liberté, à un forçat, esclave d’un artiste.

Mais je connais Bartabas …

Depuis ses début avec le noir Zingaro. Son génie de la mise en scène, révolutionnant pour toujours   les fondamentaux du spectacle équestre. Alors oui, il y a cette fascination trouble pour la beauté du diable. J’ai toujours été partagée entre admiration et rejet, renvoyée à mes incohérences. Tiraillée entre magie des lumières, décors, costumes, et, lui, le cheval, soumis, gesticulants des airs, forcés, parfois approximatifs et d’un temps guerrier.

Mais ce soir, Bartabas démontant sa roulotte, symbole de sa nature nomade, signe la fin d’une histoire. Celle où par naïveté je croyais qu‘au nom de l’art, on pouvait tout se permettre. Vous, chevaux, qui m’accompagnez au quotidien, je me promets, devant l’intelligence de la vie, de continuer à vous laisser galoper ensembles, aux grés de vos envies, sous le vent du Morvan, jouer ou vous battre, vivre ou mourir à votre heure, libres de me dire non, quand par ignorance et maladresse, je vous manque de respect.

Quand à ce film, saura t-on le message qu’il délivre vraiment ? Un hommage ? Ou peut-être une oraison funèbre, prémices d’une renaissance prochaine au goût de sérénité que secrètement j’espère ?

Nathalie FRILLEY

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